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Une recherche du CenHTRO détaille l’ampleur de la traite sexuelle dans la région aurifère du Sénégal


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D’après une nouvelle étude du Centre de recherche et de sensibilisation sur la traite des êtres humains (Center on Human Trafficking Research & Outreach ou CenHTRO) de l’Université de Géorgie, une travailleuse du sexe sur cinq est victime de traite sexuelle dans les zones aurifères du Sénégal.  

Le rapport d’étude décrit l’ampleur de la traite sexuelle à Kédougou, région située dans le sud-est du Sénégal, où le sous-sol riche en minerais a permis de relancer l’exploitation aurifère artisanale. Dans cette région entourée par le Mali et la Guinée, le boom minier attire des personnes venant de toute l’Afrique de l’Ouest. Mais cette ruée vers l’or entraîne d’importants problèmes.  


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 Télécharger le rapport (PDF)| Télécharger le résumé des résultats de base  (PDF)


Dans le cadre de l’étude intitulée «Étude sur la prévalence du trafic sexuel dans les zones aurifères de Kédougou, Sénégal » les informateurs clés interrogés décrivent ces communautés minières comme hypermasculines, comptant une forte population de jeunes travailleurs masculins et reposant sur des normes sociales qui tolèrent la violence à l’égard des femmes. Conformément aux comportements traditionnels et culturels locaux, certains mineurs pensent que le fait de recourir aux services de travailleuses du sexe augmente leurs chances de trouver de l’or. 
 

Pour répondre à cette demande, les criminels trompent les femmes en les plaçant dans des situations de traite sexuelle. Le Département d’État des États Unis d’Amérique définit la traite sexuelle comme tout acte sexuel commercial impliquant le recours à la force, la fraude ou la coercition, ou la participation d’une personne qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans.  

A transnational crime

Au Sénégal, pays dans lequel la prostitution est légale, le crime de traite sexuelle a une portée transnationale. En effet, d’après le rapport d’étude, la majorité des victimes (68 %) sont originaires du Nigéria. Par ailleurs, 13 % des survivantes étaient originaires du Sénégal, 12 % du Mali et 8 % de pays d’Afrique de l’Ouest.  

Les survivantes ont témoigné avoir reçu de fausses promesses d’emplois bien rémunérés en dehors du Nigéria. Mais, en réalité, elles ont été conduites au Sénégal, où elles ont déclaré avoir été forcées à se prostituer pour rembourser leurs dettes de voyage et leurs frais de subsistance. Les survivantes interrogées ont déclaré avoir subi des manipulations émotionnelles, psychologiques et sociales destinées à les maintenir dans cette situation.  

David Okech, directeur du CenHTRO et chercheur principal de l’étude, a souligné que la recherche contribue à encourager des actions positives sur ce qui est considéré comme un tabou dans la culture locale : « La traite sexuelle est un thème extrêmement compliqué à aborder dans le contexte sénégalais. Notre recherche démystifiera le problème et, espérons-le, conduira à des solutions et à davantage de justice pour les victimes et les survivantes ». 

Par ailleurs, D. Okech souligne que le rapport d’étude montre la nature transnationale du fléau : « Nous avons identifié deux itinéraires utilisés pour le transport des jeunes filles. Étant donné qu’il y a environ six pays entre le Nigéria et le Sénégal, il est possible que les femmes ne soient pas seulement exploitées une fois arrivée à leur destination, c’est-à-dire au Sénégal, mais probablement pendant leur long voyage entre le pays d’origine et le pays de destination. Cela signifie que nos interventions en matière de politique publiques et de programmes doivent être régionales et pas uniquement axées sur le pays de destination qu’est le Sénégal ».  

Cette nouvelle étude, financée par le Bureau de surveillance et de lutte contre la traite des personnes du Département d’État des ÉtatsUnis d’Amérique, repose sur des entretiens et des enquêtes qualitatifs avec des travailleuses du sexe âgées de 18 à 30 ans. Ces données permettent de formuler une série de recommandations, comme notamment de nouvelles politiques publiques, des formations pour les magistrats et les forces de l’ordre, ainsi que des activités de sensibilisation susceptibles d’améliorer la situation des survivantes.  

les donnes

« Notre collecte de données quantitatives comportait des entretiens avec plus de 550 travailleuses du sexe à Kédougou. Nous avons contacté ces femmes via un échantillonnage dirigé par les répondants. Cette approche nous a permis non seulement d’obtenir des informations détaillées sur le vécu de ces femmes, mais aussi d’estimer le taux global de traite sexuelle au sein de cette population. Les données qualitatives fournies par les membres de la communauté et les responsables locaux complètent les données quantitatives pour brosser un tableau complet du problème de la traite des personnes dans cette région », a déclaré Jody Clay-Warner, co-chercheuse de l’étude et professeur de sociologie Meigs à l’Université de Georgie. 

Pour mener cette étude, le CenHTRO s’est associé au cabinet d’études international Mantle, anciennement connu sous le nom de Kantar 

Outre la recherche, le CenHTRO collabore avec le gouvernement sénégalais, des groupes communautaires et des ONG internationales pour mettre en œuvre des programmes de lutte contre la traite dans cette région aurifère, en s’inspirant des conclusions et des recommandations du rapport d’étude.  

Avec son partenaire l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le CenHTRO s’efforce de renforcer les poursuites judiciaires en plaidant pour l’adoption de nouvelles lois contre la traite et en améliorant les capacités des forces de l’ordre et du système judiciaire sénégalais pour lutter efficacement contre le trafic d’êtres humains.   

Avec son partenaire l’ONG Free the Slaves, le CenHTRO fournit aux victimes de traite sexuelle un hébergement et des services psychosociaux, et sensibilise la population à la prévention de la traite. Ces programmes ont déjà eu un impact au Sénégal. Ainsi, fin 2022 et début 2023, 35 survivantes ont été extraites de situations de traite et rapatriées dans leur pays d’origine.  

« On ne saurait trop insister sur l’importance de proposer des programmes qui sensibilisent à la traite des personnes et servent les survivantes, particulièrement au sein et autour des zones sensibles à la traite comme cette région. Les programmes doivent avant tout être axés sur les survivantes et informés, tout en fournissant des services qui intègrent les meilleures pratiques en matière de prise en charge des traumatismes et de sensibilité à la question du genre. Beaucoup a été fait à cet égard, mais il reste encore beaucoup à faire pour que ces programmes puissent avoir un impact adapté au contexte, durable et positif dans la vie des survivantes et de leurs communautés. Nous travaillons étroitement avec nos partenaires nationaux pour y parvenir », a souligné Nnenne OnyiohaClayton, responsable du programme Sénégal au sein du CenHTRO. 

 Tous les rapports du CenHTRO sur le Sénégal sont disponibles dans notre section recherche 

Les activités décrites dans cet article ont été financées par une subvention du Département d’État des États-Unis d’Amérique. Les opinions, résultats et conclusions exposés dans la présente publication sont celles du ou des auteurs ayant contribué à la présente publication et ne représentent pas nécessairement ceux du Département d’État des États-Unis d’Amérique. 

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